Madeleine, Leonard et Mitchell se rencontrent à l’université de Brown. Chacun a sa spécialité : Leonard est un scientifique, Mitchell se dirige vers la théologie alors que Maddy se consacre à la littérature du 19ème siècle. C’est le début des années 80, la sémiologie, Roland Barthes ou Jacques Derrida viennent déconstruire le discours et imposer une nouvelle modernité littéraire. Les idées bouillonnent, les horizons et possibilités sont ouverts à ces trois jeunes gens brillants. L’amour vient néanmoins perturber leurs trajectoires. Mitchell aime Madeleine qui aime Leonard. Quelle place les sentiments vont-ils prendre dans la vie de chacun ?
« Selon Saunders (un enseignant de Brown), le roman avait connu son apogée avec le roman matrimonial et ne s’était jamais remis de sa disparition. A l’époque où la réussite sociale reposait sur le mariage, et où le mariage reposait sur l’argent, les romanciers tenaient un vrai sujet d’écriture. Les grandes épopées étaient consacrées à la guerre, le roman au mariage. L’égalité des sexes, une bonne chose pour les femmes, s’était révélée désastreuse pour le roman. Et le divorce lui avait donné le coup de grâce. Quelle importance qui Emma épouserait si, plus tard, elle pouvait demander la séparation ? Quelle tournure aurait pris le mariage d’Isabel Archer avec Gilbert Osmond si un contrat prénuptial avait pu être conclu ? De l’avis de Saunders, le mariage ne signifiait plus grand chose et il en allait de même pour le roman. Qui utilisait encore le mariage comme ressort dramatique ? Personne. » Malgré la désuétude supposée du roman du mariage, c’est bien sur ce thème qu’a écrit Jeffrey Eugenides. Il pose la question de l’intérêt de ce thème dans le roman moderne alors que les implications sociétales et personnelles du mariage ont totalement changé depuis Jane Austen, Henry James ou Edith Wharton. Peut-on encore intéresser son lecteur sur plus de 700 pages sur la question du mariage ? La réponse est oui, assurément. Malgré le changement d’enjeux, nous avons pu constater récemment que le mariage pouvait encore être un sujet de débats, de querelles qui questionne les fondements de notre société et de notre morale. Nous pouvons également constater en regardant dans notre entourage que le mariage reste pour beaucoup un passage obligatoire. Le divorce, qui n’existait pas chez Jane Austen, n’est pas non plus anodin et est rarement pris à la légère. Pour toutes ces raisons, il me semble que ce thème peut toujours être objet de fiction et Maddy va d’ailleurs l’expérimenter.
Mais est-ce vraiment de cela dont nous parle Jeffrey Eugenides ? Il me semble que « Le roman du mariage » est plutôt un roman de formation comme l’étaient déjà « Virgin suicides » et « Middlesex ». Notre trio amoureux est à l’âge des choix qui orienteront le reste de leurs vies. Ils doivent passer des illusions de la jeunesse à la réalité de la vie adulte. Un passage douloureux qui peut parfois se révéler impossible comme dans le premier roman de Eugenides où les sœurs Lisbon ne pouvaient se résoudre à franchir le pas. Maddy, plongée dans les romans du 19ème, est une jeune femme choyée, pleine de rêves et d’idéaux. Son histoire d’amour avec Leonard, grand maniaco-dépressif, va la sortir définitivement de l’enfance. C’est son chagrin d’amour qui va permettre à Mitchell d’avancer et de faire naître des projets pour son avenir.
Plus qu’au mariage, c’est encore une fois au passage de l’enfance à l’âge adulte auquel s’intéresse Jeffrey Eugenides. Un passage décisif qui semble décider chez lui du reste de la vie. « Le roman du mariage » est un livre intelligent à l’écriture fluide et aux personnages finement étudiés.
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J’ai tellement aimé Middlesex, du même auteur, que j’ai craint de lire celui-ci et d’être déçue… (les affres du lecteur, quelle complication ! 😉 )
Comme je te comprends Kathel, j’ai moi-même adoré « Middlesex » et je dois bien reconnaître que « Le roman du mariage » est moins fort. Son 2ème roman reste mon préféré mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier celui-ci.
J’avais beaucoup aimé !
C’est vraiment un roman plaisant avec trois personnes qui ont de l’épaisseur et que l’on a envie de suivre longtemps.
Je n’ai pas réussi à le finir ;(
Mince, je ne pensais pas qu’il pouvait déplaire à ce point.
Un roman qui a une double entrée, l’une, le mariage, cachant l’autre, le passage à l’âge adulte.. C’est habile de la part de l’auteur. On dirait un roman français plus qu’américain pour le thème.
Oui, tu as raison, la thématique fait penser aux romans français. Je pense que la référence est voulue puisqu’il évoque la sémiologie à la française et « Fragments d’un discours amoureux » y joue un rôle important.
Tu donnes envie !
Merci, c’est le but recherché ! 😉
première fois que je lis un billet qui me donne envie de franchir le pas pour lire ce roman. J’avais bien aimé Virgin suicides. Je le lirai donc!
Je suis contente de te donner envie, j’espère qu’il pourra te plaire. J’avais également beaucoup aimé « Virgin suicides » mais j’avais encore plus aimé son deuxième roman « Middlesex » qui est un grand roman.
Pareil que Missycornish, je l’ai beaucoup vu passer mais n’ai jamais été vraiment tentée… Là, je pourrais changer d’avis grâce à toi ! 🙂 merci et bon dimanche !
Je vois que mon billet vous fait de l’effet, c’est super ! 😉
Comme toi, je l’ai beaucoup aimé. J’avais surtout adoré les clins d’œil la littérature victorienne. Comme tu le dis, c’est un roman intelligent. Depuis, je dois lire « Middlesex »
Oui, les évocations des romans du 19ème m’ont également beaucoup plu, forcément je me suis reconnue dans le personnage de Maddy qui adore les grands auteurs victoriens. Je te conseille plus que chaleureusement la lecture de « Middlesex » qui reste mon préféré de Eugenides.
Non, je passe ! 😉
Je ne te sentais pas sur ce coup-là !
C’est gentil de ta part !!
Je l’ai dans un coin, et je n’ai jamais eu le courage de le commencer …
J’ai moi-même attendu un long moment pour l’ouvrir, j’avais adoré le précédent et puis toujours le manque de temps…mais je suis bien contente de l’avoir enfin lu !
Un auteur que je n’ai toujours pas pris le temps de fréquenter alors que, franchement, il a tout pour me plaire !
Et en plus, il n’a écrit que trois romans, cela ne va pas trop augmenter ta PAL ! Et si tu ne devais en lire qu’un seul, je te conseille « Middlesex » qui est à mes yeux le meilleur des trois.
Je l’ai tellement attendu celui-là… j’avais tellement aimé Middlesex… Finalement, les retrouvailles ne sont pas celles que j’imaginais. Je ne l’ai pas trouvé mauvais loin de là, mais vraiment pas pour moi… dommage. http://casentlebook.fr/le-roman-du-mariage-jeffrey-eugenides/
C’est sûr que le thème est totalement différent et que « Middlesex » est insurpassable.
Il me fait peur pour une raison totalement inexpliquée, je ne sais pas bien ce qui m’effraie, le côté pavé peut-être ? ou bien je crois une reconstruction du mariage à l’américaine, ou bien le titre aussi….Il est super chouette ton billet. Je vais peut-être tenter Middelsex…
Pour le coup, le mariage n’a rien de mielleux dans le roman, ce n’est pas un mariage à l’américaine comme on peut le voir dans les films hollywoodiens. Tu as à la fois le filtre des romans 19ème et à la fois le filtre « Fragments d’un discours amoureux ». Et le mariage n’est qu’un prétexte pour évoquer cette période de la vie où les choix se font. Mais si tu as peur de celui-ci, je ne peux que t’encourager à lire « Middlesex » qui est mon préféré.
J’ai aimé « Virgin Suicide » mais un peu moins « Middlesex » … Du coup, j’ai toujours hésité à me lancer dans celui-là … Mais plusieurs passages de ton billet me font envie ! Peut-être lors de mon prochain passage à la bibliothèque 🙂
C’est marrant, des trois c’est vraiment « Middlesex » mon préféré ! J’avais été bluffée par ce roman. Il faut que tu tentes celui-ci pour me dire lequel tu préfères des trois ! 😉
« Middlesex » était fabuleux, comme toi j’ai trouvé celui-ci moins fort mais quand même très bien !
Je suis entièrement d’accord avec ton commentaire, tu traduis bien ce que je pense de ce roman !
J’ai inscrit Middlesex dans ma PAL ! Jamais lu cet auteur…
Je te confirme ton choix, c’est un excellent roman !
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