Ecoute la ville tomber de Kate Tempest

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Le livre s’ouvre sur la fuite en voiture de Becky, Harry et Leon. Ils quittent Londres avec une valise pleine d’argent. D’où vient cet argent ? C’est ce que le reste du roman va nous montrer. On retrouve nos trois personnages un an avant leur fuite en voiture. Becky essaie désespérément de faire partie d’une troupe de danseurs. Pour payer son loyer, elle travaille dans le café de son oncle et pratique des massages. C’est lors d’une soirée qu’elle rencontre Harry. Cette dernière deale de la cocaïne en attendant d’avoir assez d’argent pour ouvrir un bar avec son meilleur ami Leon. Celui-ci est son garde-du-corps, discret, il surveille les arrières d’Harry pendant les transactions. Les deux jeunes femmes vont se plaire immédiatement et leur rencontre va faire des étincelles.

« Ça vous rentre dans la peau. On n’en prend pas conscience tout de suite, seulement quand on regarde ce qu’on a toujours connu, ce qu’on laisse derrière soi, par les vitres de la voiture.

Ils longent les rues, les magasins, les coins de trottoir où il se sont installés. Les fantômes du passé sont de sortie, le regard braqué sur eux. Peau douteuse, yeux renfoncés, sourires flippants.

Ils le sentent dans leurs os, même. Le pain, la picole, le béton. La beauté que ça renferme. Les souvenirs fragmentés qui les aveuglent. Prêcheurs, parents, ouvriers. Des idéalistes aux pupilles vides qui vont droit dans le mur. Les réverbères, les voitures, les cadavres à enterrer, les bébés à faire. Un boulot. Rien qu’un boulot. » 

C’est ainsi que s’ouvre le premier roman de Kate Tempest. Ces premières pages sont extrêmement percutantes, rythmées et montrent une grande acuité, une lucidité sur notre époque. Même si la suite se fait plus sage en terme de langue, ce premier roman est vraiment prometteur. Kate Tempest est rappeuse, poétesse et dramaturge et son premier roman impose une nouvelle voix de la littérature contemporaine. L’auteur a un sens de la formule, elle étudie et analyse les sentiments de façon nouvelle. Elle utilise des images inédites et d’une grande poésie. Elle réussit notamment à renouveler des situations pourtant banales comme le coup de foudre : « Harry sent la chair de poule qui se propage, elle tourne la tête et découvre qu’une inconnue l’observe. Ce simple regard suffit à l’aveugler. L’inconnue est lumineuse. Elle lui explose au visage. Bombe à fragmentation. Elle lui brûle la rétine.« 

Kate Tempest caractérise également parfaitement ses personnages. Ils prennent chair sous ses mots. Et ce qui m’a beaucoup plu dans ce roman, c’est la manière dont elle inscrit ses personnages principaux dans une constellation de personnages secondaires. Et pour chacun, il y a quelques pages pour nous les présenter, nous raconter leurs vies. On sent beaucoup d’empathie pour ses personnages qui évoluent dans une société dure où les aspirations de chacun sont difficiles à affirmer. Cette société offre peu d’illusions à la génération de Harry, Becky et Leon.

En revanche, ce qui est moins réussi dans le roman est l’intrigue principale qui finalement n’occupe pas tant de place que ça ! Le livre s’ouvre sur une fuite après un casse. On s’attend donc à un roman plutôt tourné vers le thriller et le suspens. Et cela ne revient qu’à la toute fin du roman. La chronique des habitants d’un quartier sud de Londres suffisait amplement à faire un livre intéressant. Ce n’était pas nécessaire d’en rajouter pour accrocher le lecteur qui l’était déjà grâce au ton et à l’écriture de Kate Tempest.

« Ecoute la ville tomber » est un premier roman qui n’est pas sans défaut mais il est extrêmement prometteur et nous révèle une nouvelle voix de la littérature anglaise.

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37 réflexions sur “Ecoute la ville tomber de Kate Tempest

  1. Il est dans ma PAL et me fait très très envie (mais j’ai un peu peur de ne pas avoir le temps de le lire pour ce mois anglais… on verra bien) Tu confirmes cette envie!

  2. interessant cette facon de faire apres..peut-etre un 2eme tome sur le casse lui-meme….en tout cas ce livre doit etre vraiment chouette…;)

  3. Tout à fait d’accord avec la notion « d’images inédites », des images souvent surprenantes, mais qui finalement sonnent justes. Au vu des avis lus avant de le lire, je m’attendais à un style toutefois plus original, plus novateur, mais je n’ai malgré tout pas vraiment été déçue, car la langue de Kate Tempest est en effet prometteuse. Et contrairement à toi, j’ai aimé l’intrigue aussi, bien plus axée, c’est vrai,sur l’ambiance et les personnages, que sur l’action.
    Une auteure à suivre, en tous cas ..

    • Les premières pages sont vraiment percutantes. C’est vrai que la suite est plus classique dans la narration avec ces images poétiques et originales qui viennent ponctuer le roman. Je trouve que l’intrigue n’avait pas besoin du côté thriller ou policier pour être intéressante. Elle aurait pu seulement écrire sur ces trois jeunes londoniens. Définitivement une auteure que j’ai hâte de retrouver;

  4. J’ai lu ton billet hier sur mon téléphone mais n’avais pas pu te laisser de message. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tu nous intrigues avec ce roman ! Une langue âpre et originale… pourquoi pas ?

  5. Pingback: Connexion de Kae Tempest | Plaisirs à cultiver

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