Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson

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« Après la mairie, la rue qui part vers la gauche, c’est Blackwood Road, celle qui mène jusqu’à chez nous. Blackwood Road décrit un large cercle autour des terres des Blackwood, et une clôture en barbelés construite par notre père les protège de bout en bout. Non loin de la mairie se trouve le gros rocher noir marquant l’entrée de la propriété. C’est là que j’ouvre et referme à clé derrière moi le portail qui permet d’accéder à notre allée, celle qui monte jusqu’à la maison. Je n’ai plus alors qu’à traverser le bois, et je suis chez moi. Les gens du village nous haïssent depuis toujours. « 

Mary Katherine Blackwood, la narratrice, a 18 ans et elle vit dans la propriété familiale avec sa sœur aînée, Constance et leur oncle Julian. Le début du roman nous la montre lors des courses hebdomadaires au village. Les gens la méprisent, l’évitent ou se moquent d’elle par des remarques ou des chansons. D’où vient une telle haine ? Elle est née d’un évènement tragique : la mort des autres membres de la famille. Les parents des deux sœurs et la femme de Julian ont été empoisonnés. Un procès a eu lieu, Constance était la principale suspect mais elle fut acquittée. Mais depuis, les soupçons du village se sont transformés en méfiance puis en haine. Les Blackwood vivent isolés, enfermés dans leur propriété. Seule Mary Katherine sort régulièrement au village. Une contrainte  pour cette jeune femme fantasque à l’imaginaire plus que débridé.

Je n’avais jamais entendu parler des livres de Shirley Jackson mais je connaissais son univers puisque « La maison du diable » de Robert Wise était adaptée d’un de ses romans. Ce formidable film d’épouvante était remarquable notamment par son ambiance. Point de scènes horrifiques ou sanglantes, la peur naissait uniquement par les bruits de cette grande masure isolée. L’ambiance me semble être la marque de fabrique de l’auteur puisque c’est le grand intérêt de « Nous avions toujours vécu au château ». L’étrangeté du quotidien de la famille Blackwood nous est dévoilé progressivement. Mary Katherine se révèle totalement obnubilée par des rituels : elle enterre ou accroche dans les arbres des objets pour se protéger ou éloigner les intrus. Constance ne sort jamais, elle a peur des éventuels visiteurs. Julian est cloué sur un fauteuil roulant, il a échappé de justesse à l’empoisonnement familial et perd la tête. A ce stade, on se dit que l’on est tombé dans une famille de doux-dingues perturbés par les décès. Mais lorsque le cousin Charles s’invite au château, tout bascule et l’atmosphère n’est plus du tout la même. La noirceur et la folie prennent le pas sur le quotidien bien cadré des deux sœurs. Et la vérité sur la mort des membres de la famille se dessine petit à petit.

Un grand livre noir qui distille le malaise, la folie et l’horreur. Une très belle maîtrise de l’intrigue qui vous fera doucement frémir dans votre canapé.

challenge US

34 réflexions sur “Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson

    • Et ça n’a pas que l’air ! 😉 Shirley Jackson est très renommée chez les anglo-saxons. Je suis tombée plusieurs fois sur des références à ses romans qui sont malheureusement peu traduits en France.

  1. Je note aussi ce livre dans ma LAL, la couverture est superbe, le titre est un peu mystérieux, l’histoire semble être intéressante tous les ingrédients sont réunis pour me donner envie de de lire

    • Je suis d’accord avec toi, la couverture est vraiment belle et correspond bien à l’atmosphère du roman. Il n’y a pas tromperie sur la marchandise !

  2. Je t’interdis d’esquisser ne fut-ce que le moindre sourire lorsque tu vas lire que ta chronique m’a donné furieusement envie de lire ce livre.

    Attention, je surveille la commissure de tes lèvres, interdit de les relever… 😈

    Les romans noirs, ma dernière douce folie… Merci à toi… :mrgreen:

        • Chouette ! Mais en lisant le billet, en voyant la cover, il avait un parfum anglais… Et ton futur challenge Papouaisie Nouvelle Guinée, c’est pour quand ? :mrgreen:

        • Effectivement, le manoir étrange et inquiétant nous fait tout de suite penser à l’Angleterre mais les Etats-Unis connaissent aussi !! Après avoir failli organiser un challenge « Nain dans la littérature », le challenge Papouasie Nouvelle-Guinée devrait me consacrer comme la reine des challenges improbables ! Tu as de la chance que je n’ai trouvé aucun roman !!!

        • Oh, je ne pourrai pas participer ! Snif… 😦 Tant pis, je déménage et je l’écris moi-même !!

          Les manoirs existent au states, mais bon, tu m’avoueras que c’est assez rare, comparé à l’Angleterre et l’Europe, terre de ses grands seigneurs qui, un jour, ont écrasé les autres (du moins, leurs ancêtres).

          Le manoir, pour moi, a un contexte english… tout fou l’camp !

          Pour les nains dans la littérature, il y a les livres de monsieur Rambault « Chroniques du règne de Nico Ier »….

        • Chiche ! Tu prends une nouvelle nationalité et tu m’écris plein de romans pour mon challenge !!! 😉
          Tu as raison pour le manoir mais quand tu regardes les films de Tim Burton, tu vois que les américains aiment aussi beaucoup les grandes maisons délabrées et étranges.

        • Les américains ne sont jamais que les descendants d’Européens… 🙄 et d’autres nations, ok, mais bon, ils viennent de chez nous…

          J’adore les manoirs, pas pour y vivre, mais pour l’atmosphère.

          Ma naturalisation est en cours, je déménage et je commence déjà à écrire des romans pour me jeter des fleurs lors de ton futur challenge 😉

  3. Pingback: Les lectures du mois de novembre | 22h05 rue des Dames

  4. ça semble génial ! Je n’ai lu que des nouvelles de Jackson (en v.o.) et j’ai vu le film de Wise qui est super. Achat certain en ce qui me concerne.

    • « Hantise » (avec C. Zeta Jones) n’était vraiment pas bon. Je trouve que le film de Wise était plus proche de l’univers de Shirley Jackson.

  5. Très beau billet qui rend un bel hommage à ce roman peu connu à l’ambiance unique.
    Personnellement, je préfère ce roman à Maison Hantée alors que j’adore La Maison du diable de Robert Wise, un film qui a marqué ma jeunesse.

    • C’est vrai qu’il est peu connu en France et heureusement que les éditions Rivage l’ont publié. J’apprécie également tout spécialement l’ambiance du film de Wise, il réussit à générer l’angoisse avec peu de choses.

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