La mort s’habille en crinoline de Jean-Christophe Duchon-Doris

9782260021483

Pour le grand bal des Tuileries de 1856, la comtesse de Castiglione s’est fait confectionner une robe exceptionnelle de huit mètres d’envergure. Son entrée va frapper les esprits et attirer le regard de Napoléon III dont elle devient la maîtresse. La mystérieuse et sublime comtesse est au cœur de l’empire pendant trois ans puis retombe dans l’oubli. Mais pas pour tout le monde puisque sept années après le bal qui l’a consacrée, des cadavres de femmes lui ressemblant sont retrouvés dans Paris. L’une d’elles est repêchée dans la Seine par Dragan Vladeski, policier en charge du meurtre du premier sosie de la comtesse, et elle porte la fameuse robe bleue à la crinoline démesurée.

En ouvrant « La mort s’habille en crinoline », je m’attendais à un agréable divertissement historique sans autre qualité qu’une documentation fouillée. Mais ce qui frappe d’emblée, c’est la richesse de la plume de Jean-Christophe Duchon-Doris. Son écriture est travaillée, poétique et imagée. Elle rehausse le fond et en fait une œuvre littérairement intéressante.

S’ajoute donc à cela, un travail documentaire très poussé. L’idée de choisir la comtesse de Castiglione est excellente tant ce personnage est romanesque. Elle a passé sa vie à se mettre en scène au travers de nombreuses photos et au travers de la mode qu’elle fait et défait. Et toute l’intrigue de Jean-Christophe Duchon-Doris tourne autour du milieu de la mode. On découvre le travail des ateliers, des petites mains, la variété et la chatoyance des tissus, des plumes, des broderies. « De séduisants dos nus, des robes aussi légères que des bols de crème, des bustes poétiquement impudiques. Dragan ferme les yeux pour se concentrer sur le froufrou des étoffes de soie, pour humer les parfums de violette, de lilas, de frangipane que laissent dans leur sillage toutes ces délicates toilettes. Taille étranglée, coupes infiniment précises, sophistication épurée, couleurs sombres ou lumineuses, fourrure aérienne et cuir lustré. » Et sous le second Empire naît la mode telle que nous la connaissons avec l’arrivée du couturier écossais Worth. C’est lui qui invente les défilés avec des mannequins de chair et de sang (appelés « sosies »). Dorénavant, les clientes se déplacent chez le couturier et s’approprient leurs modèles, ce ne sont plus elles qui sont à l’origine des créations.

Jean-Christophe Duchon-Doris rend également parfaitement compte de la mutation de Paris. Les travaux du baron Haussmann sont lancés, la capitale n’est que démolition, vide, percées. Les vieux quartiers disparaissent, les villages comme Passy sont absorbés par Paris. La physionomie de la ville est en plein bouleversement, le pittoresque laisse la place au grandiose, au monumental.

« La mort s’habille en crinoline » est une jolie surprise, la langue de Jean-Christophe Duchon-Doris m’a séduite et son roman nous plonge dans le bruissement des étoffes, les alcôves du second Empire et la poussière des travaux haussmannien.

Merci aux éditions Julliard pour cette découverte.