« Elle (l’île) se dressait au-dessus de la mer dans une succession sinueuse de petites baies. Certaines étaient des plages de sable blanc, là le bleu intense de la mer devenait turquoise. D’autres étaient parsemées de rochers rouges aux formes bizarres et dont la masse immergée restait parfaitement visible sous l’eau cristalline. Dans une crique abritée, un petit môle s’avançait devant un groupe de maisons basses aux teintes joyeuses : vert pâle, bleu ciel, rose. Au milieu poussaient des agaves, des bougainvillées, des figuiers. Rien ne faisait penser à une prison. » En 1979, lorsque Luisa rend visite à son mari sur cette île-prison, elle voit la mer pour la première fois. Son mari est incarcéré pour meurtre depuis de nombreuses années mais il a été transféré dans ce lieu hautement surveillé après avoir tué un gardien. Sur le bateau, Paolo la regarde s’émerveiller. Lui vient voir son fils en prison pour actes terroristes. Sur la berge, Pierfrancesco Nitti, gardien pénitencier, les attend pour les conduire à la prison. Durant toute la journée, le mistral se lève empêchant tout retour sur la terre-ferme. Luisa, Paolo et Pierfrancesco devront cohabiter jusqu’au lendemain.
Les années de plomb et l’assassinat d’Aldo Moro en 1978 hantent toujours l’Italie et sont la toile de fond de ce très beau roman de Francesca Melandri. Luisa, Paolo et Pierfrancesco sont liés par un point commun : leur confrontation à la violence la plus brutale. L’auteur donne la parole à ceux que l’on entend jamais : les parents des meurtriers, ceux qui sont aussi brisés que les parents des victimes et qui sont entachés par le crime de leurs proches. Et c’est l’excellente idée du roman que de montrer le poids infini de la culpabilité et de l’incompréhension. Luisa et Paolo sont finalement autant enfermés que leurs mari et fils, ils s’empêchent de vivre, d’avancer. Pierfrancesco est lui-même incarcéré avec les détenus auxquels il finit par ressembler. La violence le gagne chaque jour un peu plus.
Et malgré ce climat sombre, lourd, « Plus haut que la mer » est un livre lumineux. L’humain est au centre du roman. Ce huis-clos imposé va forcer les trois personnages à se livrer, à partager, leur souffrance. Et c’est avec beaucoup de subtilité, de nuances que Francesca Melandri les amènent à retrouver de l’espoir, à comprendre qu’ils ne sont pas seuls enfermés dans leur douleur. Un réconfort est enfin possible pour eux.
« Plus haut que la mer » ou comment une tempête peut alléger le fardeau de la culpabilité et apporter un peu de tendresse à des personnes qui en sont privées depuis trop longtemps. Francesca Melandri décrit ses vies broyées avec simplicité, empathie et douceur.
Merci aux éditions Folio pour cette découverte.
C’est la couverture qui m’a attiré avant tout vers ta critique. Pourquoi pas après tout, cela peut être une lecture sympa!
C’est vrai que la couverture est très belle et atypique. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre mais j’ai été totalement séduite.
Je garde un excellent souvenir de ce roman !
Je comprends, ça sera également mon cas.
J’ai beaucoup aimé cette lecture, faite récemment.
Je suis comme toi, j’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture. La manière de traiter ce thème est particulièrement originale.
Un de mes coups de coeur 2015, que j’avais emprunté à la bibli et que je me suis empressée d’acheter dès sa sortie en poche !
Je me souvenais d’avoir lu d’excellentes critiques sur les blogs à propos de ce roman. Et elles étaient méritées.
Dans ma pal depuis sa sortie en grand format. Il va falloir que je m’y mette !
D’autant plus que je pense que c’est un livre qui va te plaire. L’atmosphère est tendue, rugueuse et l’angle d’approche sur cette période historique bien trouvé.
J’aime beaucoup les romans italiens, toujours un peu lourds (la chaleur, le poids du passé, etc.)
Je suis d’accord avec toi, il y a une atmosphère particulière aux romans italiens, je n’en lis pas assez d’ailleurs…
De la même auteure, j’ai acheté ‘Eva dorme’ lors d’un récent sejour en Italie et feuilleté celui-ci.
Il faudra que je penche sur le reste de son oeuvre, j’espère que ses autres livres son à la hauteur de celui-ci.
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